La conférence du 8 septembre dernier à Casablanca sur les thèmes de la dématérialisation/digitalisation des services financiers a donné lieu à un échange très riche entre experts du secteur, l’occasion de revenir sur la définition de la digitalisation, son contexte et ses enjeux pour le Maroc.

Le constat est posé : le digital est déjà là, dans nos poches, dans notre façon de consommer, de communiquer, de collaborer. Le taux d’équipement grimpant de smartphones et d’Internet dans le monde en atteste. Et d’un point de vue économique, cette culture a favorisé l’émergence de nouveaux business models autour de propositions commerciales différenciantes venant équiper la génération native du digital mais aussi, et c’est là une nouveauté,  de nouveaux ‘convertis’ au digital.

Traditionnellement, on évoque plus fréquemment au Maroc la dématérialisation. La dématérialisation, c’est la transformation des supports et processus physiques en format numérique. Bien qu’il s’agisse d’une brique incontournable de la transformation de l’entreprise, ce n’est en fait que la première brique de la digitalisation, qui ne s’arrête pas là ! En effet, plus qu’une transformation technologique, la digitalisation implique la refonte structurelle des business models, de la culture de l’entreprise, avec pour but de proposer une nouvelle expérience client : personnalisée, omnicanale, avec une grande facilité d’accès, dans l’immédiateté et l’exigence. C’est le fait d’augmenter la perméabilité aux marchés et aux clients et une obligation de se recentrer sur leur cœur de métier et d’en assurer l’excellence, avant de se poser la question de l’acquisition d’un nouveau système d’information. Car le client aujourd’hui, peut très bien apprécier une innovation, sans pour autant passer le cap de l’achat !

 

Un exemple emblématique de transformation du business model liée au digital vient d’un grand courant de services qu’on appelle le ‘servicing’. Ce sont les acteurs comme Uber, Airbnb, Transferwise, etc. qui l’ont adopté et qui ont en font une tendance de fond. En effet, toutes ses sociétés ont comme point commun de ne pas être propriétaires des services qu’elles vendent : elles désintermédient l’acte de consommation sur des plateformes ouvertes, exploitant tout le potentiel de la data Clients. Car si la technologie est l’outil de la transformation digitale, c’est la data et son exploitation qui sont la matière première de l’économie digitale.  Et quels acteurs sinon les acteurs des services financiers, banquiers ou assureurs, sont-ils les mieux placés pour disposer d’une grande source de data qualifiée et récurrente sur une grande partie de la population ? … A condition de savoir s’en servir et de pouvoir l’exploiter pleinement et légalement, mais là est une question que nous aborderons dans un prochain article…

Dans ce contexte, la question qu’on peut se poser est : les services financiers marocains avec leurs spécificités seront-ils capables de faire évoluer leur business models pour qu’ils soient digital-compatibles et donc plus pérennes ? Notre conviction, OUI, ils en sont capables et ils ont déjà commencé leur évolution. A commencer par les pouvoirs publics, particulièrement proactifs autour du digital, qui ont permis de faire du Maroc l’un des pays émergents pionniers en termes de digitalisation à travers l’investissement, le cadre juridique, et la construction d’infrastructures solides.

Les acteurs de la place financière ne sont pas en reste : banques, assureurs, organismes de place sont eux conscients des enjeux de digitalisation et mènent avec succès des projets de dématérialisation et de digitalisation.

Enfin, tous les acteurs ont bien compris l’opportunité du digital pour accélérer l’inclusion financière au Maroc grâce à une accessibilité (territoriale, canaux) et une transparence plus forte, aux travaux de simplification et aux offres de Low Income Banking qui se multiplient.

En conclusion, nous assistons aujourd’hui à l’avènement de ce qu’on appelle l’omniclient : un client natif ou acquis au digital qui navigue indistinctement d’un terminal à l’autre, dans l’immédiateté, la simplicité, la transparence et à la recherche de la plus forte valeur ajoutée.

Pour répondre aux besoins de ce nouveau client, les entreprises se voient obliger de poursuivre une transformation qu’elles avaient commencé avec la dématérialisation et aller encore plus loin, car une transformation digitale réussie passe par :

  1. Repenser son business model en se concentrant sur son expertise la plus importante : la relation client doit se recentrer sur les actes à forte valeur ajoutée et tout le reste peut être automatisé !
  2. Mettre en place des processus tournés clients : les clients doivent être formés, informés, et responsabilisés, car plus les clients sont autonomes, plus l’entreprise réussit des économies d’échelle sur la production de ses services et leur évolution.
  3. L’exploitation de toute la data (internet et externe) à disposition pour mieux connaître la clientèle, la conseiller sur tous ses moments de vie
  4. Une vraie refonte de l’entreprise :
    • Pour s’affranchir des organisations en silos, mais au contraire en faisant la promotion d’une culture du collaboratif, où le management est participatif ;
    • Pour s’inspirer de l’agilité et de l’expérimentation des start-ups de la fintech ;
    • Pour faire émerger de nouvelles idées ou projets par la co-création ou l’open innovation.